Le Journal de Pierre Wittmann

Le Journal de Pierre Wittmann

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Journal de Pierre Wittmann : Échos de lecture 1989-1997

8/ Vivre à Bangkok – Journal 1989

29 décembre 1988 au 30 janvier 1990

 

Grâce à un Avant-propos, résumant les événements antérieurs importants de sa vie, Pierre Wittmann facilite l’entrée d’emblée dans le huitième épisode de son Journal.

Bien qu’il ne se soit installé à Bangkok que dix jours auparavant, lorsqu’il ouvre ce cahier, le 29 décembre 1988, sa vie est bien équilibrée entre les heures consacrées à la peinture, les moments de sport ou de « marches méditatives », de loisirs et la participation à différentes cérémonies spirituelles. Entouré d’amis en recherche, comme lui, les échanges et partages de lectures, d’idées, d’émotions ont une grande importance.

Insatisfait de lui-même, il relate, au jour le jour, ses efforts pour devenir meilleur, c’est-à-dire plus présent au monde. Il pratique le « Dhamlab », fiche de récapitulation journalière de sa pratique spirituelle. Adoption de préceptes et de disciplines et évocations de sa participation aux tâches matérielles de la vie quotidienne.

Chaque événement de sa vie est l’occasion de tester ses progrès dans la maîtrise de soi : « Il ne m’est pas facile d’avoir patience et équanimité pour mes propres états d’âme ; pourtant, ce sont aussi des phénomènes impermanents. Mais j’y travaille ». Sa vie semble ascétique. Pourtant, il se reproche d’être encore gourmand et ami du confort. Plus grave, il s’inquiète égoïstement des fluctuations de la Bourse qui pourraient mettre fin à sa vie indépendante. Il observe les autres et se compare. Les habitants, calmes, indulgents l’édifient. Il voudrait acquérir la patience et l’équanimité et renoncer à ses « mauvaises habitudes » qui entravent son développement spirituel. Comment faire le vide en soi, accepter l’impermanence des choses ? L’écriture est une sorte de méditation analytique.

Grande sévérité aussi à l’égard de son travail de peintre, il doute de son talent. Il voudrait que sa peinture reflète sa philosophie. Il s’essaye à l’art abstrait. Il écrit des Notes de peinture, réflexions nourries de ses lectures, intéressantes pour le lecteur.

Pierre Wittmann fait découvrir Bangkok, ses rues animées, ses bâtiments en construction, les restaurants et ce qu’on y mange. Sa quête exigeante le mène à faire des retraites dans différents monastères de Thaïlande et au-delà. Du 24 septembre au 23 octobre, il séjourne au Japon.

De retour à Bangkok, il éprouve le besoin d’un séjour au monastère de Wat Pah Nanachat qui se révèle « très inspirant ». Il envisage d’y faire une retraite « peut-être comme moine ».

Fin décembre, sa sœur Isabelle vient le rejoindre. Sa présence réveille des souvenirs d’enfance. Confiant dans l’avenir, il projette de « Faire mes voyages comme prévu jusqu’à cet été et peut-être déménager dans un endroit paisible et me consacrer entièrement à la peinture. Quant à ma pratique, être beaucoup plus souple, cesser d’y être aussi fortement attaché, cesser de la prendre comme une obligation et une contrainte, avoir beaucoup plus de compassion et de « tender loving care » avec moi-même : cesser cet ascétisme forcé et reprendre un peu le temps de vivre, de sortir, de passer du temps avec les autres sans avoir de mauvaise conscience ». Il a mûri, s’est libéré de certaines chaînes ; sa connaissance de lui-même semble s’être approfondie. 

écho par Élisabeth Cépède

 

9/ Le parfum de l’éveil – Journal de février 1990

1er au 27 février 1990 

 

Du 1er au 27 février 1990, Pierre Wittmann tient quotidiennement et longuement son Journal. Depuis qu’il l’a commencé, en 1984, il a écrit 4000 pages sur 66 cahiers d’écolier, puis a entrepris un travail de relecture, de saisie, de remaniement, avec la volonté cependant de rester aussi fidèle que possible à la version originale manuscrite. Il a déposé à l’APA le Journal de l’année 1988 [APA 2649-1].

Pourquoi ce mois de février 1990 a-t-il autant d’importance ? Du 1er au 14 février, il a participé à une retraite de méditation auprès d’Ayya Khema dans un monastère bouddhiste situé en Australie, près de Sydney. Depuis 1984, il a vécu à Tahiti, puis en Thaïlande, et il s’intéresse au bouddhisme comme à toutes les religions et cultures orientales. Il a déjà pratiqué la méditation quand il arrive au Wat Bouddha Dhamma, mais les deux semaines de son séjour vont marquer un tournant décisif dans sa recherche spirituelle qui est devenue l’axe principal de sa vie. A son arrivée au monastère, s’il est impressionné par la beauté du site, il est plutôt déçu par les installations peu confortables de cette petite communauté qui pratique le bouddhisme « theravada », et il s’inquiète des pluies torrentielles. Et pourtant, au fil des jours, il va être initié, sous la ferme, éclairée et éclairante direction d’Ayya Khema (ancienne nonne allemande qui lui rappelle Alexandra David-Néel et celle qui la première, à Tahiti, l’a introduit au yoga et au bouddhisme) à un voyage intérieur qui lui permettra de découvrir les différents « jhanas », « états de profonde méditation produits par la concentration ». Découverte progressive qu’il relate minutieusement dans son Journal, aventure dont il retrace les différentes étapes (y compris ses suites immédiates, d’abord à Sydney, puis lors de son retour à Bangkok). Peu à peu il se détache des aspects matériels de l’existence, s’ouvre aux autres et surtout à la conscience universelle, a même l’illusion d’atteindre l’éveil. Il médite dans une grotte isolée, vers la fin de son séjour, avec une intensité exceptionnelle. Cette retraite non seulement lui apporte des éléments de réponse à des interrogations anciennes, mais lui ouvre de nouvelles perspectives d’avenir, il envisage d’expérimenter la vie monastique et veut approfondir les liens entre sa peinture et le bouddhisme. Au-delà de la très riche expérience personnelle que ce texte nous fait partager, il constitue une très pédagogique introduction à la méditation et à certains aspects du bouddhisme, un véritable guide à l’usage des initiés comme des curieux. Un glossaire, à la fin de l’ouvrage, définit utilement les nombreux termes « techniques » utilisés.

P. Wittmann conclut ainsi son épilogue : « La vie devient légère, elle se libère de toute intention d’atteindre quoi que ce soit. Elle exprime la beauté. C’est l’art de célébrer l’ultime dans le quotidien ». Son site www.wisdomlight.org propose au lecteur des informations sur ses multiples activités, des bibliographies, des extraits du Journal, d’autres textes ainsi que des reproductions de ses tableaux.

écho par Claudine Krishnan

 

10/ Retour aux sources – Journal 1990

3 mars au 25 décembre 1990

 

Pierre Wittmann fait fidèlement parvenir à l’APA les différents volumes de son Journal. Celui-ci est le 9e et couvre l’année 1990, du 3 mars au 25 décembre. Jamais titre n’a été mieux trouvé que ce Retour aux sources, qui constitue, en effet, le thème central de ces 156 pages.

Ces sources, PW les recherche et les trouve dans le bouddhisme et dans son approfondissement, à travers des retraites, de nombreuses lectures et des échanges avec des religieux et des fidèles.

Les retraites se succèdent en nombre dans cette année 1990. En mars et avril, deux retraites en Thaïlande, dont l’une d’elles rassemble bouddhistes et chrétiens. En juillet, de passage en Europe, il découvre, près de Chambéry, un centre tibétain qui vient de s’ouvrir, Karma Ling. PW vante à ce sujet « la chaleureuse atmosphère des monastères tibétains et l’ambiance française : elles s’accordent très bien ». C’est là, également, qu’il rencontre Ariella dont il sera beaucoup question par la suite. En Angleterre, il renoue avec la méditation et enchaîne du 2 au 24 août, une longue retraite à Prapoutel, en Isère où il rencontre le lama Sogyal Rinpoché, qu’il considère très vite comme son « maître favori, son enseignement m’apporte beaucoup, m’inspire ». Enfin, dès  son retour  à Bangkok, il effectue, accompagné d’Ariella qui le charme lorsqu’elle est à ses côtés mais qui l’irrite lorsqu’elle papillonne, une retraite itinérante, animée par Lama Gangchen, le maître d’Ariella, en Malaisie, Indonésie et Bali. Dans le récit que fait PW, sur 25 pages de cette retraite, l’impression donnée est plus celle d’un voyage touristique que d’une retraite spirituelle : « Les jours passent dans l’inaction et la nonchalance avec un temps humide et pluvieux ». 

A travers ces expériences, le but de PW est d’approfondir sa capacité de méditation et d’améliorer sa propre dévotion en accueillant les diverses pratiques du bouddhisme tibétain où va sa préférence. Une des grandes leçons retenues : « Ce n’est pas par l’action mais par la renonciation à l’action qu’on obtient la libération ».

Cette année 1990, si profondément imprégnée de culture bouddhique, laisse peu de  place aux activités laïques, à la peinture, par exemple, toujours présente à son esprit mais en retrait de ses préoccupations majeures. Elle lui manque, cependant, il l’écrit à plusieurs reprises.

Et bien sûr, il y a les voyages, ceux qu’il entreprend en dehors des retraites, en touriste concerné. De mai à septembre, il parcourt les États-Unis et l’Europe. En Californie et en Floride, il confie : « mon esprit réagit de triste manière à la société américaine ». Seule la ville de New York a droit à un léger satisfecit. Il est heureux de se retrouver, en Suisse, « la terre de ses ancêtres », à Saint Gall, en particulier, où est née sa mère. Il séjourne, à plusieurs reprises, à Musiège, où il se sent « un peu étranger à toutes les choses accumulées là-bas ». Il a des amis sous tous les cieux qu’il a un réel plaisir à retrouver.

En refermant ce Journal 1990 consacré aux profondes avancées spirituelles de son auteur, on ne peut s’empêcher de relever que l’homme qui le rédige est un éternel insatisfait. Il y a toujours quelque chose qui le contrarie, en voyage comme en retraite ou sédentaire. S’il fait preuve d’enthousiasme pour une raison ou une autre, le voilà désabusé ou maussade à peine quelques jours (ou pages) plus tard. Il se lance des défis en permanence, se remet sans cesse en question, il est dans une perpétuelle recherche, c’est certain, mais perpétuelle insatisfaction également. C’est la définition même du Journal personnel de recueillir ainsi au jour le jour les états d’âme du diariste. Mais, pourquoi, après tant de recherche d’une certaine forme de sagesse, PW n’arrive t-il pas à être plus heureux ?

écho par Simone Aymard

 

11/ Le cœur de la Dakini – Journal 1991

27 décembre 1990 au 23 décembre 1991

 

1991, une année riche en voyages et en émotions pour Pierre Wittmann. Fin décembre 1990, il rejoint à Colombo son maître, la nonne Ayya Khema rencontrée en 1990 au cours d’une retraite en Australie. Un périple de dix jours lui fait découvrir le Sri Lanka. L’observation attentive des Cinghalaises lui prouve que même les vieilles femmes sont séduisantes. Il note, dans son cahier « il semble que je commence une nouvelle période où la femme reprend beaucoup d’importance dans mes élucubrations mentales ». C’est le moment de s’initier, grâce au livre bleu Dzogchen, à la pure vision « sacred outlook » et de s’essayer à des « visualisations ». Dès le 3 janvier, il reprend ses Notes de Dharma qui sont des commentaires ou des réflexions sur ses lectures spirituelles, ou sur les hauts et les bas de son cheminement intérieur.

Retour à Bangkok de courte de durée, puisque le 17 janvier il repart pour Sydney. Il entre en retraite jusqu’au 19 mars ; d’abord à Tiona Park puis à Bundanoon. Ce temps de recueillement inspire à cet éternel étudiant d’intéressantes pages sur la pensée bouddhique. Bilan positif. Pierre voit clairement que sa voie est celle de la Bodhicitta, c’est à dire de l’amour bienveillant, de la compassion.

À son retour, il se sent un peu déprimé, mais ses cahiers se gonflent de riches Notes de Dharma. Le 16 avril, miracle ! « je me suis mis à peindre ». Le 18 avril, l’avion d’Ariella, la Dakini rencontrée en 1990, se pose à Bangkok. Une nouvelle vie commence. Ils vont à Katmandou, puis au Tibet. Ils se redécouvrent mutuellement. Le 18 mai à Bangkok, Pierre s’épanche : « depuis trois jours, nous avons commencé à faire l’amour le soir, avant de dormir (...) c’était un peu maladroit, au début, après tant d’années de chasteté ; mais ça s’améliore chaque jour. (...) J’avance dans ma compréhension des trois apparences et des trois kayas et perçois l’amour sous trois aspects ». Suit une période d’apprentissage de la vie de couple qui se double pour lui d’une sorte d’auto-analyse. Expérience perturbante sans doute puisque leurs corps sécrètent des abcès, des infections oculaires et intestinales. Au point que le voyage au Tibet et en Russie avec le lama tibétain d’Ariella, dont ils rêvent, se fera sans eux.

Le 3 juin, les Notes de peinture absentes jusque-là de cet épisode réapparaissent, mais comment trouver du temps pour peindre ? Sa vie est envahie par la dormeuse Ariella. Pierre Wittmann se console en lisant les Écrits sur l’art de Mondrian. Puis L’Homme du commun à l’ouvrage de Dubuffet où il retrouve « des idées qui vont plus loin, ou du moins aussi loin, que des élucubrations bouddhiques ». Le 25 juillet, il a peint toute la journée et fini deux tableaux.

Mais le mariage dont rêve Ariella, est-il compatible avec la vie d’artiste ? D’Australie, son maître et confidente, la nonne Ayya Khema, lui écrit que « la vie de couple est une bonne pratique pour travailler sur les manifestations de l’ego, et que le Bouddha aussi est passé par là ». Mais Wittmann reste lucide, même critique à l’égard d’Ariella : « si elle parle, c’est surtout pour exprimer ses désirs et ses volontés, qui ne me semblent pas très compatibles avec la parfaite équanimité dont elle se réclame ». Ayant du mal à se comprendre quand ils dialoguent, Ariella en vient à lui écrire. Ils correspondent ainsi pendant quelque temps sans beaucoup de résultat. Mais Ariella amoureuse est perfectible et Pierre devient tolérant. Ariella participe seule à une retraite dans un lointain monastère. La séparation leur fait du bien à tous les deux. Pierre en profite pour chercher une maison agréable loin de Bangkok. Ils choisiront de vivre à Hua Hin, station balnéaire sur le golfe du Siam. Fin décembre, une dernière retraite, silencieuse, à laquelle ils vont ensemble, au Wat Kao Tham, resserre leurs liens.

Happy end pour ce roman d’amour tourmenté, avec le récit de leur dernière « délicieuse nuit d’amour. (...) J’ai retrouvé le sourire, la bonne humeur et un flot d’insight... ».

écho par Élisabeth Cépède

12/ La passion du bouddhisme – Journal 1992

1er janvier au 31 décembre 1992

 

Dans un utile avant-propos, où figurent un bref historique du Journal et une courte biographie, Pierre Wittmann explique que le Journal des années vécues en Thaïlande, à Hua Hin plus précisément, couvre les années 1992 à 1997, qu’il l’a divisé en 4 parties, et que La passion du bouddhisme, en est la première.

L’installation de Pierre et d’Ariella à Hua Hin, au début du mois de janvier, est morose : la ville respire la médiocrité provinciale, la nouvelle maison est sale, le ciel couvert et la température un peu fraîche.

Fin janvier, ils se rendent en Australie pour participer à une première retraite, qui ne modifie pas l’humeur de Pierre. Il reste morose, déprimé, il s’ennuie et se sent même absent de la retraite. Cette insatisfaction perdure lors d’une autre retraite, à Sydney. Il n’a qu’une envie, c’est de rentrer en Thaïlande et de peindre, alors qu’Ariella souhaite continuer le voyage actuel en Australie et en Nouvelle Zélande. Ce sont toujours les mêmes plaintes, les mêmes discours : il n’est pas fait pour la vie ordinaire, la vie conjugale, n’y voit que des obstacles à sa vie spirituelle et à son travail, reconnaît qu’Ariella est souriante et pleine d’attention, mais « il me semble que nous ne sommes pas sur la même longueur d’ondes ».

Pierre fête le retour en Thaïlande et le départ d’Ariella pour un mois par ces mots : « j’ai besoin de ce mois de solitude pour retrouver un sens à mon existence, trop futile et insatisfaisante ». Il parvient à se détendre, à se reposer. Il apprécie le calme, la paix, retrouve yoga et méditation, mais remet en question sa pratique de la peinture.

Début mai, le couple participe au Japon à une retraite de méditation dans la tradition du zen, où la discipline est stricte. Pierre n’arrive pas à noter ses idées et en vient même à trouver son Journal moins important et moins indispensable. De retour à Hua Hin, c’est cependant à ce même Journal qu’il confie avoir soudain « envie de laisser couler la vie comme elle vient, de contempler le processus de vie au-lieu de s’y impliquer ». Ses relations avec Ariella sont meilleures et il reprend la peinture !

En juillet, un voyage en Europe se précise, car Pierre souhaite participer au Congrès de l’Union bouddhiste qui se tient en septembre à Berlin. La maison de Musiège les accueille quelque temps et, après le départ d’Ariella pour la Mongolie, Pierre occupe son temps par un stage intensif de yoga aux Arcs et des visites à sa famille.

Aucune information sur le Congrès n’est fournie, on apprend seulement le dépôt de deux tableaux et de posters dans le hall. Visiblement fatigué par cette vie sociale trop importante, Pierre s’interroge sur la pertinence de ses longs séjours en Europe, chaque année.

De retour à Hua Hun, il sent le besoin de ne se concentrer que sur l’essentiel, afin d’avancer sur la voie de l’éveil. En décembre, une semaine de vacances avec Ariella, avant une nouvelle et positive retraite, avec un maître qu’il n’hésite pas à qualifier de « meilleur maître rencontré jusqu’ici », met un point final à ce Journal de l’année 1992.

Il est impossible de quitter ce Journal sans faire mention des Notes de Dharma, qui s’y trouvent en abondance ; leur nombre dépasse même celui des entrées du Journal. C’est en 1990 que Pierre Wittmann a décidé d’inclure ces Notes dans son Journal. Elles sont, au départ, des « notes prises pendant les retraites ou les enseignements », puis devaient « se personnaliser davantage et devenir le Journal de ses expériences et révélations spirituelles », imprégnées de bouddhisme. Il est permis au lecteur d’y trouver aussi une tendance à s’exprimer de façon assez sentencieuse, parfois corrigée par l’humour.

En voici un exemple :

« Zen : Le plus positif, peut-être, dans ma pratique du zen, c’est que, depuis trois au quatre ans, j’ai complètement oublié que je faisais du zen ».

écho par Simone Aymard

 

13/ L’iconoclaste anticlérical – Journal 1993

1er janvier au 27 décembre 1993

 

Les Notes de Dharma sont si abondantes dans ce Journal de l’année 1993 qu’elles ne laissent place qu’à cinq entrées proprement dites : 3 janvier à Bangkok, 6 et 14 février à Katmandou et 8 et 15 mars à Hua Hin.

Cette orientation résolue en faveur des Notes de Dharma  donne lieu à de nombreux développements, à charge et à décharge, à propos de ce Dharma, considéré le 23 janvier comme une « science exacte et non une sorte d’émotion et qualifié le 8 mars de mélange de vulgarisation religieuse, de science-fiction et de contes de fées ».

En fait, PW semble redouter l’importance prise par le Dharma dans sa vie : « j’ai complètement centré ma vie sur le Dharma ; les jours où j’en ai ras le bol du Dharma, que me reste t’il ? que faire ? Même les idées de ma peinture sont toutes, plus ou moins, reliées au Dharma, sans parler de l’écriture ». Il en vient à souhaiter écrire un roman ou du moins des petites histoires qui parlent d’autre chose que « de la dualité, de l’absolu ou de la compassion ».

La véritable victime des états d’âme de PW est, donc, son propre Journal. En mars, on lit : « Ce Journal est ma meilleure thérapie, ce n’est pas encore le moment de l’abandonner ». C’est pourtant ce qu’il fait puisqu’à la date du 7 septembre, on reçoit cette confidence : « Je n’ai plus écrit ce Journal depuis 6 mois ; je me demande si je devrais le reprendre et de quelle façon », question oubliée puisque l’entrée du 25 septembre présente le Journal comme « une discipline qui me semble toujours positive pour y voir plus clair dans mes idées, m’aider à prendre des décisions et avoir une bonne attitude par rapport aux divers aspects de ma vie et de mon travail ».

La conclusion de ces allers et retours s’impose tout naturellement, en date du 25 septembre : « Avec le développement des Notes de Dharma, le Journal s’est tari, car il n’avait plus la même importance, si ce n’est de rapporter les simples faits autobiographiques ».

écho par Simone Aymard

 

14/ L’ultime retraite – Journal 1994-1996

2 janvier 1994 au 30 décembre 1996

 

Nous retrouvons Pierre Wittmann et la suite de ses Journaux, dont de très nombreux volumes ont été déposés. Écrit en 2016, un avant-propos nous donne des repères biographiques : un historique de ce Journal précise le contexte, qui illustre bien une vie de voyages dans tous les continents, toujours orientés par une recherche spirituelle et artistique, puisque Pierre Wittmann est, entre autres occupations, peintre. Chacune des couvertures des volumes déposés porte une magnifique illustration, celle de 1996 se nomme « Motif de lumière ».

En 1994, le Journal est remplacé par des Notes de Dharma : « Notes et réflexions sur la voie spirituelle », complétées par des explications bien nécessaires sur la signification des termes employés. Un exemple de ces notes au 3 avril :

L’eau et le feu (Pierre et Ariella) :
Le feu fait bouillir l’eau > pression, tension… 
L’eau éteint le feu ?

Comme 1994, l’année 1995 débute par l’énumération des innombrables déplacements en Orient et Occident : Australie, Inde, Musiège (Haute-Savoie), Thaïlande, soit l’adresse actuelle de l’auteur. Ses voyages sont motivés par des retraites spirituelles, alternant avec des périodes d’écriture, de peinture, de traduction de textes sacrés, d’enseignement, puisqu’il donne des cours d’introduction au bouddhisme, ou sur les « émotions divines » (4 février). Il déplore cependant le ralentissement de ces activités, continue à se chercher : Écrire ? Peindre ? Dans quel but ? Mais il continue à s’intéresser à la vie des autres, ce qui l’a poussé à tenir un Journal durant toutes ces années, Journal retranscrit comme il l’explique dans le prologue. Les Notes de Dharma reprennent, suivies de notes sur une retraite en Irlande dans le réseau bouddhiste tibétain. Il pratique intensément prosternations et offrandes du mandala, dont le rythme est soigneusement comptabilisé.

L’année suivante est à peu près semblable. Pierre Wittmann se cherche toujours, et s’ennuie, dit-il. Il note aussi les désaccords avec sa compagne (Ariella), des réflexions sur la solitude. Il dresse dans un tableau (dhamlab) sur l’état de sa vie, de manière très précise, listant et totalisant les points essentiels, les questions à résoudre, les conseils du cœur…

Fin 1996, il évoque l’ennéagramme, qui décrit neuf façons d’être « normal ». Ce bilan, somme toute assez mélancolique, s’achève sur une comparaison entre le Tao Garden, où il envisage de s’installer, et Hua Hin, où il a vécu depuis 1992.

écho par Véronique Leroux-Hugon

 

15/ La maison du Tao – Journal 1997

2 janvier 1997 au 5 janvier 1998

 

Ce Journal de l’année 1997, comme les autres volumes transcrits du Journal tenu depuis 1984, offre au lecteur tous les éléments qui lui permettent de mieux suivre l’itinéraire de l’auteur : bref historique du Journal et Repères biographiques en avant-propos, datation et localisation précises des entrées, indication des différents contenus et supports du Journal (« Notes de Dharma », « Notes de peinture », « Notes journalières », cahiers numérotés ou carnets, manuscrit ou ordinateur), notes explicatives en bas de page qui renseignent, par exemple, sur l’identité des personnes mentionnées et surtout éclairent le profane sur les multiples facettes de la pensée orientale qui constituent le cœur de l’ouvrage. Cette année 1997 est une année de transition, vécue dans le doute, le découragement, les contrariétés et la dispersion. De brèves entrées factuelles alternent avec de longues entrées introspectives. Rares y sont les périodes d’équilibre précaire.

Pierre Wittmann, qui vit depuis 1992 à Hua Hin, station balnéaire située au sud de la Thaïlande, décide d’acheter une maison dans un centre taoïste, le Tao Garden, près de Chiang Mai, dans le nord de la Thaïlande. Tout l’attire dans ce projet : son intérêt croissant pour le taoïsme, la perspective d’un mode de vie communautaire qui préserve cependant l’indépendance de chacun et la possibilité de renouer avec son passé d’architecte en étant associé aux différentes étapes de la construction de sa maison et en supervisant certaines parties communes (piscine…). Le chantier va virer au cauchemar (retards, malfaçons, escalade des coûts, incompétence de la main d’œuvre), tolérance et bienveillance sont durement mises à l’épreuve. La maison à peine terminée sera aussitôt revendue après d’incessants allers-retours entre la résidence de Hua Hin et le studio où il s’est provisoirement installé à Chiang Mai et qui lui procure quelques désagréments. Le seul résultat positif de l’aventure sera le choix définitif de Chiang Mai comme port d’attache en Thaïlande. Il continue de voyager, au Japon, au Laos, et, en été, rentre dans sa ferme de Musiège, en Haute-Savoie.

Tournant aussi dans la vie personnelle : c’est la séparation d’avec Ariella, rencontrée en 1990, et adepte du bouddhisme tibétain. Cette rupture l’amène à se pencher sur l’échec de ses relations amoureuses qu’il essaie de comprendre, car, malgré son goût assumé pour la solitude et son farouche besoin d’indépendance, il continue de rêver à une relation équilibrée qui le décentrerait de lui-même. Les retours sur le passé sont récurrents dans ce volume. Il se livre à des bilans sans complaisance, conscient d’accorder trop d’importance à l’image qu’il donne de lui-même, aux résultats de ses activités, de fuir toutes les contraintes. Les piliers sûrs restent la peinture et l’écriture, et une volonté de partage qui trouve son épanouissement dans l’enseignement. Et il poursuit sa découverte des infinies ressources qu’offrent les traditions religieuses et spirituelles de l’Orient, pratique le Reiki, s’initie au Yi Jing. À la fin du volume, comme un exorcisme par l’écriture, une liste de 250 peurs en dit long cependant sur une année au cours de laquelle la sagesse orientale a bien semblé faillir dans la quête de la paix et du bonheur.

écho par Claudine Krishnan

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