Le Journal de Pierre Wittmann

Le Journal de Pierre Wittmann

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Journal de Pierre Wittmann : Échos de lecture 1998-2013

16/ Chiang Mai : une nouvelle vie – Journal 1998 

17/ Le messager de la lumière – Journal 1999 

6 janvier 1998 au 31 décembre 1999

 

Que de points d’interrogation, que de phrases injonctives dans les entrées quotidiennes du Journal de ces deux années de transition, surtout dans le Journal de 1998 ! Les entrées brèves, qui témoignent d’une certaine agitation intérieure ou correspondent à de fréquents déplacements, alternent avec des entrées plus longues, parfois sous-titrées et distinguées des factuelles « Observations journalières ». Le lecteur est guidé par des notes, des rappels, des repères, le Journal n’a pas seulement été transcrit, les différentes strates sont nettement identifiées. Si l’auteur est désormais installé à Chiang Mai (au nord de la Thaïlande), d’octobre à mai, et revient à Musiège (en Haute-Savoie), de mai à octobre, il n’est pas pour autant apaisé, ni conforté définitivement dans ses choix de résidence et de vie. Il continue de se disperser et souffre de l’instabilité qui caractérise cette période. En 1998, il n’est pas encore libéré de ses engagements au Tao Garden et, bien que séparé d’Ariella, il ne peut s’empêcher de regretter leur relation, rêve souvent d’une compagne, mais ne supporte pas la moindre atteinte à son indépendance, comme le montre la nouvelle relation qu’il noue avec Nathalie. Il fait de nombreux voyages et est très entouré, malgré son besoin de solitude : de Chiang Mai, il se rend régulièrement à Bangkok où il donne des cours sur le Bouddhisme, déménage de Hua Hin, va au Cambodge, au Laos. De Musiège, il voyage en France, en Suisse, en Espagne ; il passe l’été 1998 au Québec où il suit toute une série de formations. Il oscille en permanence entre doutes, remises en question, tentations diverses, résolutions contradictoires. Il cherche dans son enfance, dans la pression exercée par ses parents, la clé de ses difficultés. Même le plaisir qu’il éprouve à jouer au golf est entaché par son obsession de la performance. Il va au-devant de critiques que pourrait formuler le lecteur puisqu’il est très sévère envers lui-même, il se révolte parfois contre un mode de vie qui lui pèse, se reproche de céder trop facilement aux attraits du « supermarché spirituel », de s’imposer des régimes alimentaires qui sacrifient inutilement le plaisir. S’il se lasse du Raja Yoga qu’il pratique assidûment, il persévère dans l’enseignement du Reiki (tradition japonaise d’imposition des mains), s’épanouit dans la transmission. Et il revient à la peinture comme à un port d’attache, expérimente, rêve d’un art total où pourraient se réconcilier toutes ses aspirations à la lumière. Il prend conscience des perspectives qu’offre l’informatique et, même s’il s’irrite des aléas technologiques, devine la promesse de nouvelles possibilités et décide de créer un site. Son insatiable curiosité et ses talents multiples ne semblent pas hélas lui procurer un mieux être durable. En annexes, des textes de présentation des techniques qu’il souhaite transmettre, mais aussi une nouvelle et un poème, en écriture aussi il veut tout essayer.

écho par Claudine Krishnan

 

18/ La vaine agitation du monde – Journal 2000 

1er janvier au 31 décembre 2000

 

Ce Journal de l’année 2000 est la troisième partie d’un ensemble intitulé Le Journal de Chiang Mai concernant les trois années de 1998 à 2000 où Pierre Wittmann a vécu en Thaïlande. Il le rédige à partir de ses sept cahiers numérotés de 52 à 60 (à l’exclusion des cahiers 53 et 57) auxquels il ajoute de brèves observations journalières. Dans son avant-propos, il donne un résumé lucide de son année « L’activité intense de 1999 se transforme peu à peu en agitation. Le travail de la lumière n’apporte pas les résultats escomptés, l’ordinateur prend une place démesurée et Pierre se disperse dans de nombreuses occupations ni productives ni très satisfaisantes. Voyages à Hawaï et au Tibet ».

Pierre Wittmann raconte ses journées par le menu, de son réveil à son coucher, comment il a dormi, ce qu’il a acheté, ce qu’il a mangé, qui il a rencontré, ce qu’il ressent, ses humeurs, sa fatigue, les soirées artistico-mondaines de Chiang Mai. Il relate aussi ses activités artistiques, (confections de tableaux et d’objets peints, expositions dans des galeries), son travail sur ordinateur pour se faire connaître, ses lectures, ses enseignements, conférences et congrès, ses séances de médecine spirituelle basée sur l’énergie. Il pratique « la guérison angélique », technique qui fut transmise par les anges Xédah à une médium québécoise, le Reiki, technique japonaise d’imposition des mains, le yoga, le Qi Gong et autres disciplines de méditation et relaxation. L’ésotérisme tient une grande place dans sa vie : les tarots, l’astrologie, le Yi Jing, la numérologie par laquelle il explique son insatisfaction et son désir constant d’autre chose. Il vit en permanence dans la contradiction entre les choses à faire et ses désirs profonds de créativité et de paix intérieure. Sa vie est trépidante et il ne rêve que d’être dans le Wu Wei, la non-action. Il fait des listes pour éviter la dispersion, mais se rend compte qu’il fait les choses parce qu’elles sont sur ses listes. Il se demande de façon récurrente ce qu’il veut vraiment dans la vie. Il manque de motivation, se reproche sa paresse, se pose des questions sur l’utilité de son travail pour lui et les autres. Il veut redéfinir ses buts, reconnaît qu’il est ambitieux et qu’il aurait aimé percer dans la peinture, mais il n’y croit plus, gagner de l’argent, il n’en a pas vraiment besoin, méditer 12 ans dans une grotte de l’Himalaya, c’est trop tard. Il sait que c’est par peur de la vacuité qu’il a ce besoin incessant de faire tant de choses. Sa relation aux femmes est compliquée, il les aime, mais a très peur de l’attachement, ses relations ayant toujours mené à des conflits et des séparations. Il tient surtout à son indépendance et se satisferait bien d’amitié, de sexe et, aussi, d’idylles imaginaires. « Avec Nathalie, qui est à Lausanne, c’est l’idéal, car j’ai tout mon temps pour moi, au moins six à huit mois par an », et cependant, même à 10 000 kilomètres, il se sent prisonnier. Ce qu’il voudrait, c’est une femme qui puisse l’aider, une assistante pour le décharger des tâches non créatives, c’est-à-dire ce qui engloutit ses journées, les relations publiques et l’internet pour promouvoir et vendre ses productions, et pour développer les relations « avec les autres travailleurs de lumière ». Au fil des mois, l’oscillation entre l’agitation et même l’excitation pour des projets à dimension universelle de communication d’énergie subtile, et l’aspiration à la sérénité et au retrait semble s’accentuer. Ses voyages à Bangkok, à Kuala Lumpur, au Tibet, à Hawaï, en Europe lui apportent du changement et des rencontres stimulantes qui font naître d’autres désirs et des déceptions. Mais quel que soit le lieu, il se sent blasé, toujours dans l’insatisfaction et le sentiment de futilité, même l’écriture de son Journal lui semble une corvée inutile. Malgré ses séances de méditation, il éprouve angoisse et frustration. En cette année 2000, toutefois, l’apprentissage régulier d’une nouvelle technique de golf lui a apporté de grandes satisfactions. 

écho par Isabelle Valeyre

 


19/ La Quête du bonheur – Journal 2001-2003 

1er janvier 2001 au 29 décembre 2003

 

La couverture du Cahier 19 de Pierre Wittmann, illustrée d’une de ses œuvres intitulée Peinture de guérison, donne une tonalité optimiste à sa recherche philosophique et spirituelle.

À Chiang Mai, Pierre Wittmann semble avoir tout ce qu’il faut pour être heureux. Pourtant une insatisfaction latente l’afflige. La vie sociale est remplie de plaisirs, rencontres intéressantes et stimulantes s’ouvrant sur des possibilités d’expériences nouvelles. Il apprend le piano. Il prend des cours de golf et devient vite un champion. Il vit entouré de femmes charmantes, comme lui en quête d’un chemin spirituel qui donnerait sens à leur vie. Pierre réalise qu’être « toujours dans le faire » ne comble pas sa vie. Il étudie le tarot, le feng shui et le tai chi, participe à des séminaires de développement personnel, de qi gong, d’ennéagramme et de géométrie sacrée. Il suit des formations d’animateur-conférencier, de relations d’aide et de Guérison angélique. Il commence à donner des cours de Reiki et des séances de soins et de thérapie. Il s’intéresse au New Age et en particulier au travail de la lumière. Et ces nouveaux savoirs semblent communiquer harmonieusement en lui. Il les met en pratique dans sa peinture et réunira des acryliques sur papier dans un album qu’il intitule « Peintures de guérison ». Il participe aussi à des rassemblements de « travailleurs de lumière et de prophètes » et à des « séances de canalisation et de guérison ». Il écrit et publie son premier livre : Le Guide du bonheur pour le troisième millénaire. Il le traduit puis le publie en anglais. Ces nombreuses activités l’amènent à faire de fréquents voyages à travers le monde. Il en fait toujours trop, c’est sûr, mais rien de fou ni d’incohérent dans sa conduite.

D’ailleurs, de brillants religieux ou de savants philosophes l’entourent, le soutiennent et peuvent le guider. « L’événement de la journée fut la séance d’hier soir avec Maître Xia. Là, je crois vraiment que j’ai trouvé mon maître. (…) Ensuite nous avons fait une méditation : ce fut une expérience incroyable, j’ai vraiment senti ce vortex d’énergie autour de moi. » Pierre poursuit aussi son autoanalyse sévère. « … beaucoup de choses que je fais, je les fais pour essayer de me faire admirer, reconnaître, respecter, aimer ; et aussi pour renforcer la bonne idée que j’ai de moi-même. » Pierre Wittmann, malgré ses réussites, doute encore de lui et a besoin de l’approbation des autres.

Quand il découvre l’astrologie, il veut tout savoir des Gémeaux sous le signe desquels il est né. Si son destin était inscrit dans les étoiles, il n’aurait qu’à obéir ce qui mettrait fin à ses hésitations à reprendre la relation avec Ariella ! N’est-elle pas venue s’installer chez lui à Musiège dans l’espoir d’une reprise de leur relation ?

Surviennent des ennuis de santé. Une première fois, Pierre fait une chute et claudique pendant de nombreuses semaines. Puis son œil droit s’infecte et une opération de la rétine serait souhaitable, qu’il ne se décidera pas à subir. Il profite de l’épreuve pour changer de rythme. « Je suis très inspiré par le livre d’Eckart Tolle, qui rejoint Éric Baret en ce qui concerne la tranquillité. Je pense que cette tranquillité, en fait, c’est rigpa, la vraie nature de mon esprit, cet esprit calme, lumineux, vaste, silencieux dans lequel les phénomènes apparaissent et disparaissent. Comme les vague sur l’océan ou les nuages dans le ciel. (...) Il suffit de rentrer dans cette base immobile et immuable de toutes choses, sans se laisser attirer, captiver par les apparences, sans s’identifier à elles... C’est simple à dire comme ça. »

Pierre Wittmann fait-il de l’humour ? Je ne crois pas, il médite devant son lecteur pour l’entraîner avec lui dans cette sorte d’extase : « Être dans la présence, dans le présent, attentif aussi bien à cette vacuité qu’à ce qui s’élève et se résorbe en elle. » Mais les mots restent impuissants. La lectrice reste sur la terre. Elle ne peut qu’imaginer la jubilation du croyant dans cette « conscience permanente de ce que je suis, de ma vraie nature, Ouaah ! Comme c’est merveilleux. Rien à faire, juste être cette présence à chaque moment, et alors, maintenant devient toujours ! Et il n’y a plus d’œil. »

écho par Élisabeth Cépède

 

20/ La lumière des tantras – Journal 2004-2008 

2 janvier 2004 au 29 octobre 2008

 

Voici la transcription d’un Journal tenu de janvier 2004 à octobre 2008. Un prologue éclaire la personnalité du narrateur. C’est une courte et dense autobiographie qui ressemble à une quête aventureuse : elle présente un jeune homme de bonne famille suisse, qui fait des études d’architecture, s’intéresse à la peinture, jouit de revenus qui lui permettent de voyager et de séjourner à son gré à travers le monde. Il va travailler aux USA avec sa compagne, puis il séjourne à Papeete et là, sa quête devient nettement spirituelle. Il s’initie au yoga, apprend le chinois, étudie la peinture chinoise, la calligraphie, et se tourne vers l’Asie. Il rencontre des maîtres bouddhistes, des moines, fait des retraites, traduit des ouvrages sur le bouddhisme, donne des cours et s’installe en Thaïlande.

C’est là que commence le Journal, en 2004, et ce sera son port d’attache même quand il aura acheté une maison en Provence. Tout au long de ces quatre années, il va s’efforcer de lire, de comprendre, d’appliquer, de faire connaître les principes de maîtres dont les doctrines échappent au lecteur mais qui sont stimulantes pour lui. Elles sont le centre des échanges qu’il a, nombreux, avec les hommes et les femmes qu’il fréquente, échanges de vive voix, par mail, par skype, par téléphone… Il suit les principes de la médecine ayurvédique lorsqu’il est malade : de l’œil, des dents, du dos, sans toujours trouver la guérison, note-t-il. Ce qu’il apprend, il en fait part aux autres et se réjouit parfois d’avoir des clients. Mais il n’a pas le sens du commerce. Régulièrement, il va jouer au golf, et analyse les points faibles de son jeu. Il apprécie aussi les repas au restaurant entre amis partageant les mêmes préoccupations. Cette vie mystique a des côtés épicuriens.

Certes il écrit un Guide du bonheur, mais il avoue parfois sentir de l’ « inquiétude, insatisfaction, vide, désenchantement ». Il voudrait écrire un roman, écrire son autobiographie, mais il est happé par l’étude de l’ « Human Design » qui nourrit sa vie spirituelle. Il peut faire le tour du monde, rien ne semble le toucher de ce qu’il aperçoit. Cependant il ne peut s’empêcher de se demander « Quels sont les buts de ma vie ? » C’est la sincérité et l’universalité de cette interrogation qui touchent le lecteur, pour qui la quête spirituelle du narrateur reste obscure.

écho par Françoise Lott

 

21/ Le Spectre de la conscience – Journal 2009-2011

1er janvier 2009 au 25 décembre 2011

 

Ce volume regroupe, du 1er janvier 2009 au 25 décembre 2011, trois années d’entrées régulières, suivies de quatre annexes qui sont moins des annexes que des synthèses permettant de mieux comprendre l’état d’esprit de l’auteur à cette étape de sa vie, après le flot continu d’entrées parfois répétitives, bien que le travail de relecture et transcription ait sans doute veillé à éviter les redites excessives. Trois années d’apaisement, de relatif équilibre malgré les doutes et les questionnements dont cependant l’auteur s’accommode mieux ou du moins semble moins souffrir. Son temps se partage, chaque année, entre Chiang Mai (nord de la Thaïlande), de janvier à avril (ou mai) et d’octobre (ou septembre) à décembre, et Cabrières d’Aigues (Luberon) du printemps à l’automne ; le temps n’est plus aux déplacements incessants. Ce rythme lui convient, même s’il peut être tenté de s’installer définitivement dans l’une ou l’autre de ses résidences. Trois domaines d’activité l’absorbent : la peinture (il peint, expérimente divers formats, expose), l’écriture (journal, livres, poèmes) et les pratiques inspirées par les philosophies orientales (Yi Jing, Human Design, Reiki…). Il apprend aussi le thaï, s’intéresse à la chromothérapie et continue de jouer au golf. Il reste tiraillé entre le besoin impérieux de s’adonner à la création et la nécessité de rentabiliser ses connaissances, d’en faire profiter les autres par des séances gratuites ou payantes. Préoccupé par les questions financières, il cherche des sources de revenus, mais cela lui pèse et il se sait peu doué pour promouvoir ce qu’il fait. Au cours de ces trois années, il accompagne le développement de l’application qu’il a mise au point avec un associé pour aider à créer des sites internet, mais cela lui cause plus de contrariétés que de satisfactions. Il s’inquiète par ailleurs de sa dépendance à l’égard de l’ordinateur. Conscient de son « dynamisme compulsif », de sa manie des listes de choses à faire et des objectifs à atteindre, il voudrait simplifier sa vie, vivre davantage dans le moment présent, tendre vers l’idéal taoïste du « wu wei » (la non-action).

C’est aussi un Journal de création, on y suit l’écriture de son livre, Le jeu de la vie, et il y est souvent question des corrections du Journal ; la réflexion sur la mémoire et le Journal est désormais intégrée à certaines « Notes de Dharma ». L’APA et les Journées à Ambérieu sont mentionnées. Dans l’Annexe 3 consacrée aux relations amoureuses, l’on retrouve la grande lucidité de l’auteur ; il s’exprime de façon générale, mais l’on reconnaît son parcours personnel, considéré en surplomb avec humour et espoir de sagesse.

écho par Claudine Krishnan

 

22/ Le jeu de la vie – Journal 2012-2013 

1er janvier 2012 au 31 décembre 2013

 

Ce nouveau Journal de Pierre Wittmann couvre les années 2012 et 2013 et il est dédié à Valérie Klein décédée en 2015 qui, entre 2007 et 2012, a saisi les textes de ses cahiers manuscrits à partir de ses enregistrements. 

L’âge venant, Pierre voyage moins et il partage maintenant sa vie de manière régulière entre Chang Mai et sa maison de Cabrières d’Aigues dans le Luberon où il séjourne chaque année entre mai et octobre. Il est toujours à la recherche de la sagesse, ou plutôt de « la tranquillité », de « l’impermanence », du « silence » au delà de la vaine et dérisoire agitation de ce monde, une quête qui n’a rien de tranquille et qui est marquée, au contraire, par une inquiétude permanente dont il peine à se débarrasser. Minutieux comme toujours, il programme de manière très stricte son emploi du temps : achèvement de son livre Le Jeu de la vie (qui donne son titre à ce Journal), relecture et correction de ses premiers Journaux en vue de les déposer à l’APA, méditations et « retraite dans le noir », séances de Human Design à l’intention des personnes intéressées... 

Dans son désir de se délester de l’inutile, il cherche à se séparer de ses biens matériels, en particulier de ses livres et de ses peintures. C’est ce qu’il appelle « la dissolution ». Mais, jamais sûr de lui, il a besoin à chacune de ses décisions de tirer le Yi Jing (un système de divination d’origine chinoise) pour savoir s’il a pris le bon chemin. Cette capacité à revenir sur ses choix est tout à son honneur car sa quête de l‘absolu l’entraîne parfois dans des voies qui risquent de mettre sa santé en péril. Ainsi, s’interdisant la nourriture cuite et solide, il privilégie le cru et le liquide, un régime qui lui rend la vie sociale difficile et ne fait pas disparaître, loin de là, les petites misères physiques dont il souffre. Il va plus loin. Attiré par les doctrines du respirianisme, il pense qu’on doit pouvoir arriver à vivre sans manger ni boire et il tend vers ce but, mais, fort heureusement, il comprend aussi « qu’il n’est pas encore prêt » et se laisse tenter à l’occasion par un beau steak appétissant. On ne refuse pas un bon repas entre amis. En fait, Pierre oscille constamment entre deux états opposés : d’une part, il aimerait pouvoir s’émanciper de ce corps qui lui pèse pour atteindre à l’état de sérénité rêvé et il met tout en œuvre pour y parvenir ; mais d’autre part, ce corps, malgré lui, se rappelle sans cesse à son bon souvenir : tendinite, maux de tête, problèmes de reins, insomnies, il est là et bien là et il doit composer avec. 

En juin 2012, il assiste aux Journées de l’Autobiographie à Aix-en-Provence et il y rencontre Philippe Lejeune et Claudine Krishnan qui lui donnent de précieux conseils pour la présentation de son Journal. Ces Journées, qu’il trouve très chaleureuses, ont pour thème masculin/féminin : « un sujet, constate-t-il, qui semble poser beaucoup de problèmes dans la société actuelle : disons dans les bas niveaux de conscience où l’être humain se considère comme une entité séparée qui cherche une sécurité illusoire dans des identités ; et comme c’est bien sûr une tentative utopique et désespérée, il se retrouve toujours dans un rôle de victime. » La souffrance et l’injustice ne sont jamais, selon lui, qu’une erreur de perception. Pour les mêmes raisons, il ne goûte guère non plus le livre de Stéphane Hessel, Indignez-vous ! qui connaît alors un succès mondial et où il ne voit pour sa part qu’une méchante brochure pleine d’aigreur. Au lieu de se révolter contre les injustices de ce monde, l’auteur ferait mieux de s’émerveiller devant la beauté et l’aspect sacré des êtres et des choses. « Et alors les guerres, qui sont le fruit de l’indignation, n’auraient plus de raison d’être... » 

On comprend bien l’idéal qui est le sien, mais on a du mal à le suivre sur ces chemins escarpés qui supposeraient que nous soyons tous devenus des saints... En attendant, Pierre corrige avec acharnement ses Journaux des années 80 et suivantes en cherchant à donner à sa phrase plus de vigueur et de vélocité. Se relisant, il s’interroge : a-t-il changé ou est-il resté le même ? A-t-il progressé ou est-il dans le ressassement ? Au fond, se demande-t-il, que se cache-il derrière ce Journal ? Le temps, tout simplement, eh oui,  « le temps qui a passé » ! Curieux d’ailleurs, observe-t-il, comme il reste attaché à ces anciens écrits alors qu’il professe haut et fort que tout n’est qu’illusion ! Sans doute serait-il plus sage de les brûler : « Mais le moi auquel je m’identifie encore n’aura jamais ce courage : je le connais trop bien ! » Et d’ajouter : « C’est le paradoxe de cette précieuse – ou misérable – vie humaine ! »

écho par Gérald Cahen


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